Aux temps scolastiques, le meilleur investissement à long terme semblait garanti par l’Eglise, qui fournissait à la fois pouvoir séculier sur les humains et jouissance dans l’au-delà. Une maladie théorique se développait à l’ombre des cloîtres, qui consistait à couper les missels en quatre dans l’interprétation du dogme. Les théologiens s’affrontaient sur le nominalisme, les universaux, la signification de la Trinité, gonflant une bulle spéculative à partir d’un gaz aussi vaporeux qu’inébranlable : l’existence d’un dieu unique et totémique. Les schismes religieux, s’appuyant sur des finesses exégétiques à propos de la manière de placer son âme à la banque divine, entraînèrent des abus de pouvoir et parfois des bains de sang qui, avec le recul de la «mort de Dieu», nous paraissent insensés. Mais avons-nous vraiment évolué, ou seulement déplacé le symptôme ?
Quand une humanité moins démente se penchera sur notre époque, elle constatera que nous avons transféré notre pulsion spéculative, notre course à l'absolu jouissif, sur une idole en apparence plus proche, la plus-value. La spéculation n'est plus le fait de la scolastique, mais de la stochastique des stock markets, une pseudoscience financière de l'aléatoire dont l'absolu, aussi inatteignable, est la rentabilité maximale en un temps minimal ; autrement dit, comme dans le film Alien, un monstre à gestation instantanée. Au prétexte qu'aucune économie ne pourrait tenir sans la croyance à la divine plus-value,