Cigarette aux lèvres, l'air dépité sous son chapeau de paille, Shigeo Watanabe regarde le ciel comme s'il voulait appeler les dieux à sa rescousse. Ce vieux fermier célibataire vit et travaille ici, comme échoué en rase campagne, depuis que son père «est monté au paradis».«J'ai repris la ferme à ses 90 ans, quand son dos a commencé à trop se courber. Depuis, je m'occupe du bétail.» Cinq bœufs d'élevage et vaches noires de reproduction, écrasés par la chaleur dans leur enclos. Un dur labeur, à pertes. «La ferme ne rapporte rien» depuis le 12 mars et la première explosion d'hydrogène à la centrale de Fukushima. L'homme au visage buriné pointe une montagne au loin, au milieu d'un horizon figé. «La centrale nucléaire est là-bas, de l'autre côté.» A 28 kilomètres. Par ici, les retombées radioactives, selon le principe injuste des taches de léopard, ne sont guère élevées : entre 0,25 et 0,40 microsievert par heure. Deux à trois fois moins que dans la ville de Fukushima, à 40 kilomètres de là. Plus au nord en revanche, vers Katsurao, un village évacué début avril, les fermes sont à l'abandon. Le bétail a été gazé. Là-bas, les relevés au compteur s'envolent à plus de 10 microsieverts par heure. Shigeo Watanabe a refusé de partir. Pas question de changer d'avis. «Pour rejoindre les évacués ? Jamais.» Bien que privé de compteur, le fermier sait par les gens du coin que sa ferme est peu contaminée. Son souci est ailleurs. «Impossible de
Reportage
Fukushima : «Nos fermes sont maudites»
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par Michel Temman
publié le 20 juillet 2011 à 0h00
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