Paul Jorion est économiste et anthropologue. Il vient de publier le Capitalisme à l'agonie (Fayard).
Effondrement des banques, retour annoncé de la récession : pourquoi ne sort-on pas de la crise ?
Parce qu'aucune des réformes promises par le G20 à l'automne 2008 n'a été appliquée. Retournons au «discours de Toulon» [de Nicolas Sarkozy], appliquons-en toutes les mesures annoncées pour «refonder le capitalisme», et nos chances de sortir de la crise en seront grandement améliorées !
Comment situer cette crise dans l’histoire du capitalisme ?
Il y a une superposition de crises. Crise des matières premières : on a dépassé sans doute le pic pétrolier. Crise environnementale et climatique : la survie même de notre espèce sur la planète est en jeu. Crise du crédit : une grande partie des bénéfices des entreprises, au lieu de servir à l’autofinancement, a été distribuée en dividendes aux actionnaires - aux «investisseurs» et aux dirigeants de ces entreprises, au lieu de revenir aux salariés, qui se sont endettés pour essayer de compenser une baisse du pouvoir d’achat due à la stagnation des salaires depuis trente ans. Crise philosophique : l’introduction de l’ordinateur nous dépasse. La machine ne connaît pas la peur comme nous la ressentirions et prend des décisions extrêmement risquées.
N’est-on pas à un tournant, où le pouvoir régalien s’efface au profit d’une complexité immatérielle et mathématisée ?
Une déconnexion s’est faite entre une logique financière mondialisée et la logique étatique des systèmes économiques. Les Etats dépendent de leurs recettes : de la collecte des impôts. Or, la plupart des entreprises ou des individus qui ponctionnent la richesse créée parviennent à passer à travers les mailles du filet, par les paradis fi