Mathieu Plane est économiste à l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques de Sciences-Po. Il explique pourquoi, dans la situation actuelle de rigueur budgétaire et de lutte contre les déficits, le chômage ne peut que continuer à s’aggraver.
Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, insiste sur le fait que l’aggravation du chômage est liée au manque de croissance. Est-ce juste ?
Le premier moteur de création d’emplois, c’est la croissance. Or, on a trop peu de créations d’emplois en France au regard d’une démographie dynamique qui a pour effet d’augmenter la population active. La réforme des retraites commence également à produire ses effets en maintenant plus longuement les gens en activité, soit un surplus de population active de l’ordre de 50 000 personnes par an. Résultat, il faudrait créer au moins 140 000 emplois par an pour stabiliser le taux de chômage. En temps normal, cela nécessite une croissance d’environ 2% par an.
Mais on n’est pas dans une tendance normale et la croissance est moindre…
Justement. Jusqu’à maintenant, l’ajustement de l’emploi depuis le début de la crise a été relativement faible par rapport à la chute de l’activité. Cela signifie que les entreprises ont compensé leurs pertes de productivité par une réduction de leurs marges mais, à un moment, elles vont finir par récupérer ces pertes de gains ou de productivité. C’est le scénario de la croissance sans emploi.
Est-on dans cette situation ?
On risque de glisser vers un deuxième scénario, moins favorable encore, celui de peu ou pas de croissance - comme au deuxième trimestre - avec des entreprises qui cherchent parallèlement à reconstituer leurs marges. Et là, c’est la destruction massive d’emplois assurée. Le seul moyen de