Entendre le patron d'une grande banque française qualifier de «crétin» un de ses clients potentiels est une expérience rare. Mercredi, veille du vote par le Bundestag du deuxième plan de sauvetage à la Grèce (lire page 5), l'habituel langage policé des affaires et du pouvoir était comme mis entre parenthèses. Sur la BBC, le porte-parole de la Commission européenne, en duplex de Bruxelles, se faisait traiter d'«idiot» lors d'un débat houleux sur la crise des dettes souveraines ; au même moment, à Paris, notre banquier éreintait l'investisseur qui, quelques jours plus tôt, lui avait reproché de ne pas s'être couvert contre un défaut de paiement de la France : «Ce crétin ne comprenait pas que, quand on est une grande banque française, dont l'activité se fait pour l'essentiel en France, on ne prend pas de couverture sur ses placements en obligations de l'Etat français, un des plus solvables du monde. On n'est pas au Burkina Faso ! Tout cela est lunaire.»«Un monde de fous», avait estimé le 12 septembre le patron de la Société générale, Frédéric Oudéa. «Plus rien n'a vraiment de sens», renchérit volontiers l'Elysée.
Condamnation. Ces derniers mois, le monde des banquiers a basculé dans l'irréel. Notamment en France. Depuis janvier, la capitalisation des trois premières banques du pays s'est effondrée : la Société générale vaut en Bourse à peine 40% de son actif net, 50% à 60% pour le Crédit agricole et la BNP. A