André Orléan est directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, président de l’Association française d’économie politique (Afep). Il est l’un des initiateurs du mouvement des Economistes atterrés.
Les responsables politiques ont-ils pris la mesure de la crise ?
Seulement en paroles. Depuis 2007-2008, ils nous disent qu’ils vont moraliser le capitalisme, le réguler de manière à juguler la crise. Mais ils n’ont pas compris l’essentiel : nous sommes dans une nouvelle étape de la crise du capitalisme. Ou plutôt du capitalisme financiarisé, qui a émergé à la fin des années 70 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et qui s’est propagée à tous les pays développés.
Quel est le trait distinctif de ce capitalisme ?
Il s’en remet aux évaluations financières, devenues l’élément déterminant de la gouvernance de l’économie. La crise a débuté en 2008 lorsqu’est apparue une situation de surendettement des ménages et des institutions financières, déjà provoquée par des estimations de risque erronées. Pour éviter l’effondrement du système, les Etats ont émis massivement de la dette publique en remplacement de la dette privée. Mais aucune réforme autre que cosmétique n’a été conduite pour modifier structurellement les règles du jeu financier. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crise s’est déplacée aux dettes souveraines.
Les mouvements des marchés financiers sont-ils dangereux pour l’économie réelle ?
Il faut souligner la myopie des marchés financiers. Alors qu’en théorie, ils sont censés prévoir à long terme, il faut tout au contraire constater leur propension à se tromper. La crise des subprimes l’a démontré. Loin de favoriser le bien-être collectif, la finance