La Silicon Valley n'écrit plus seulement l'avenir : elle entre dans l'histoire. Avec Steve Jobs disparaît un mythe moderne, un homme qui a marqué son époque comme le constructeur automobile Ford le fit en son siècle. L'annonce de sa mort s'est propagée sur les réseaux à la vitesse insensée de 10 000 micro-messages à la seconde, Twitter quasiment saturé. Barack Obama l'a souligné : beaucoup ont appris ou transmis la nouvelle via un appareil inventé par Apple. Sur Internet, impossible de faire le tour des témoignages de clients de la marque estimant avoir perdu un proche. Remerciant Jobs d'avoir bouleversé leur vie. Sauvé l'informatique de la laideur et permis à cette industrie de toucher au sublime. Jeff Jarvis, gourou du journalisme en ligne :«Nous avons perdu notre Gutenberg.» Sidérantes et gênantes images d'ex-voto, fleurs et bougies, sur le perron de ces églises que sont devenus les magasins Apple. Un vertigineux mélange de capitalisme et de religiosité qui, au final, dit beaucoup de Steve Jobs et du culte qu'il suscitait.
Jobs a créé ou imposé les gestes, les images, les objets et une bonne partie des usages de la civilisation informatique. Avec, à chaque fois, des avancées «disruptives», séparant un avant d'un après, marquant autant de cassures à partir desquelles l'ensemble du secteur se trouvait bouleversé : ordinateur personnel, pour tous ; popularisation de la souris et de l'interface graphique, du «bureau», des «icônes», des «dossiers», l'ensemble demeur