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Libération
Reportage

Au Portugal, la misère fait école

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Des établissements scolaires se muent en centres sociaux face à la paupérisation des parents d’élèves.
publié le 2 novembre 2011 à 0h00

«Un jour, les professeurs se sont rendu compte que les élèves avaient faim. On s'est aussi transformé en ONG.» La cinquantaine, Antonio Gouveia est proviseur du lycée Gema-Barros, à Cacém, une ville de 20 000 habitants proche de Sintra. Avec ses baraquements bien ordonnés, sa cour où jouent des adolescents (Portugais de souche ou d'origine africaine, pakistanaise, moldave…) et sa gigantesque cantine, l'établissement s'est imposé comme un modèle : non seulement il parie sur les nouvelles technologies - studio de radio, Internet, canal éducatif -, mais il s'est également organisé en centre social.

Lots de vivre. «Le proverbe chinois dit qu'il ne faut pas donner du poisson mais apprendre à pêcher, mais nous sommes bien obligés de faire les deux !» s'exclame Aderito Cunha, professeur de sciences naturelles. C'est lui qui, le premier, s'est aperçu que dans sa classe les ventres étaient vides : «Des élèves étaient incapables de se concentrer, certains étaient même sujets à des évanouissements. Il fallait agir.» Il ouvre la porte d'une vaste remise où sont rangés des packs de lait, des yaourts, des légumes, des conserves, du sucre et de l'huile… Autant de victuailles, au bord de la limite de validité, offertes par un supermarché et par des petits vendeurs de primeurs. Chaque soir, à 19 heures, des parents d'élèves reçoivent des lots de vivres. «On sert une trentaine de familles, pas plus, car nos stocks sont limités, dit