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Libération
Interview

«Un choix politique en faveur des ultraprivilégiés»

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Thomas Piketty, de l’Ecole d’économie de Paris, souligne «l’incohérence» du gouvernement :
publié le 8 novembre 2011 à 0h00

Thomas Piketty est professeur à l'Ecole d'économie de Paris et coauteur de Pour une révolution fiscale, un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle (Seuil).

Que pensez-vous de ce nouveau plan de rigueur ?

C’est le même mélange d’improvisation et d’absence de réforme de fond depuis le début du quinquennat. Rendez-vous compte que, dans la même année budgétaire 2011, le gouvernement a divisé par deux les recettes de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) puis, quelques mois plus tard, récupéré les 2 milliards d’euros ainsi perdus en décrétant une hausse ciblée de la TVA ! En pleine crise, c’est énorme, invraisemblable. Cela matérialise un choix politique en faveur des ultraprivilégiés, puisque ce sont les ménages disposant d’un patrimoine supérieur à 18 millions d’euros qui ont le plus fortement bénéficié de la baisse de l’ISF. Mais c’est un choix dangereux, puisqu’on compense le manque à gagner en augmentant un impôt sur la consommation.

Ce nouveau plan sera-t-il suffisant ?

La crise européenne est loin d’être terminée et on peut nourrir toutes les inquiétudes. Mais c’est le travail des politiques d’anticiper. Or, le gouvernement Fillon semble naviguer à vue. Il nous annonce aujourd’hui une hausse générale des impôts sous la pression des événements, mais il a complètement oublié toute perspective de réforme de fond de notre fiscalité directe. Il ne s’est en rien attaqué au principal archaïsme du système : l’impôt sur le revenu est toujours prélevé avec un an de retard, ce qui empêche d’en faire un instrument de pilotage économique efficient