Auteur d'Après le déluge : la grande crise de la mondialisation (éd. Perrin), Nicolas Baverez est économiste et historien. Il explique pourquoi la crise constitue un tournant dans les relations entre marchés et démocraties.
Les marchés imposent-ils leur agenda aux Etats ?
Ils sont le baromètre de la crise actuelle, pas son vecteur. Le marché constitue la maladie opportuniste des crises financières et politiques, mais il n’est pas l’origine du mal. C’est la faiblesse de l’Europe et l’impuissance des Etats à juguler la crise qui est en cause. Comme en 1958 en France, la classe politique traditionnelle se montre incapable de trouver une issue dans certains pays. D’où cette impression de solutions imposées par les marchés. Mais les marchés n’imposent pas, ils révèlent.
Qu’est-ce qui a changé depuis 2008 ?
De financière et économique, la crise est devenue politique. Elle ébranle les Etats qui n’ont pas vu qu’ils devenaient à leur tour le risque systémique, les Lehman Brothers de la crise actuelle. Du coup, les marchés, qui ont horreur du vide, se sont mis à occuper l’espace. La meilleure manière de les remettre à leur vraie place serait de régler les problèmes structurels qui préexistaient avant la crise, mais que l’on préférait ne pas voir.
Le problème de Silvio Berlusconi ne date pas d’hier, pas plus que la faiblesse endémique de la croissance en Europe, son absence de dynamisme démographique ou la sous-compétitivité de certaines de ses économies qui ne permettent plus, sauf à s’endetter indéfiniment, de perpétuer son modèle social.
Diriez-vous que la crise actuelle annihile toute idée d’alternative ou d’alternance, que l’union nationale et les gouvernements de techniciens sont en train de s’imposer comme la seule solution qui vaille ?
Pas du tout. Il peut tou