Ecrasée par la hauteur d'une dizaine de tours glaçantes, statique au milieu des milliers de claquements de pas pressés qui les encerclent, la petite centaine d'Indignés français s'accroche coûte que coûte à ses rêves. Malgré le froid, une demi-douzaine de charges policières, le manque de sommeil, de repas chauds, de douches, de médicaments, de vêtements propres, et malgré la relative indifférence - surtout si on les compare à leurs homologues espagnols ou américains - qui accueille leur tentative utopiste dans le pays de Stéphane Hessel, ils sont là depuis le 4 novembre. Et, à leurs yeux, même fatigués, c'est l'essentiel. Durer, afficher ses différences sur ce temple de la déshumanisation qu'est l'esplanade de La Défense (Hauts-de-Seine), parier qu'à quelques dizaines ils expriment ce que «99% de Français ressentent» (pendant que «le 1% empoche les profits immédiats»), voilà les objectifs de ce laboratoire politique fragile incarné par les Indignés. Car, du côté des actions et des résultats concrets, il y a très peu à se mettre sous la dent. Jeudi, après deux semaines d'occupation, le seul aboutissement a été le collage «à la mano» dans plusieurs centaines d'exemplaires de journaux gratuits d'un cœur avec la mention «Souriez, vous êtes indignés !»
C'est plutôt maigre. Et certains participants, lucides, ont parfois l'impression d'avancer à contre-courant sur un tapis roulant dont ils ne verraient jamais la fin. «A force de tout soumettre