Pourquoi les économistes, dans leur immense majorité, croient-ils au libre-échange ? Parce qu’ils ont appris à l’école qu’il était plus efficace de commencer, dans un premier temps, par produire le plus de richesses possibles, en s’appuyant sur des marchés libres et concurrentiels, afin d’utiliser au maximum les avantages comparatifs des uns et des autres. Quitte, dans un second temps, à redistribuer de façon équitable les gains de l’échange, au moyen d’impôts et de transferts transparents à l’intérieur de chaque pays. Voici ce que l’on apprend à l’école en économie : la redistribution efficace est la redistribution fiscale ; il faut laisser les marchés et les prix faire leur travail, en les distordant le moins possible (la fameuse «concurrence libre et non faussée») ; puis redistribuer ensuite, «dans un second temps».
Tout n’est pas faux dans cette belle histoire, loin de là. Mais elle pose tout de même un problème majeur. Au cours des trente dernières années, les échanges de biens et services ont été fortement libéralisés, au nom notamment de cette logique. Or le second temps, celui de la redistribution fiscale accrue, n’est jamais venu. Au contraire : la concurrence fiscale a laminé les impôts progressifs patiemment construits au cours des décennies précédentes. Les plus riches ont bénéficié de fortes réductions d’impôts, alors même qu’ils étaient déjà les premiers bénéficiaires de la libéralisation des échanges et de la mondialisation. Les plus modestes ont dû se contente