A l'heure où le facteur distribuait les lettres de «cessation d'activité», lundi, Dany Chambon et Chantal Gibert étaient sur leurs chaises de travail au milieu des «filles», 90 femmes et 3 hommes. Elles votaient l'occupation de l'usine, organisaient la grève de la faim, criant crescendo : «Tous ensemble, tous ensemble». Certaines portaient l'uniforme à rayures roses. «L'habitude… on arrive le matin, on va au placard, on passe la blouse et on s'assied devant la machine.» Quand la cloche de 11 h 55 a retenti, toutes se sont levées. L'une a sorti une gamelle, l'autre un tricot, des cartes de belote. Comme tous les jours, Dany est rentrée déjeuner avec son mari. De retour pour la sonnerie de 12 h 43, «deux minutes après, il faut, fallait je veux dire, être au boulot». S'accrocher aux rituels, pour retarder le moment où il faudra rester chez soi et chercher un travail à Yssingeaux, Haute-Loire, 7 000 habitants (lire aussi page 19). Rester «tous ensemble», attiser la braise de la révolte, sentiment nouveau. Pour pouvoir dire, avec des étoiles dans les yeux : «Je suis fière de nous, les petites bonnes femmes Lejaby.»
Le silence des machines, les cadres de l'entreprise envolés, les piles de dentelles, bonnets et bretelles «en plan» depuis le vendredi 13 janvier, Dany Chambon s'en détourne, envahie par une nostalgie insoupçonnée : «C'est un boulot tellement dur… si on m'avait dit que je pleurerais quand ça s'a