Voici un livre d’économie qui allume enfin une petite lumière dans le brouillard de la crise. A l’opposé d’une littérature trop souvent défaitiste ou vindicative. Il n’est pas anodin que ses deux auteurs soient des spécialistes de l’innovation. Observer les conditions dans lesquelles naît et se diffuse le progrès technique, c’est voir le monde autrement. Publiés dans l’excellente collection de Pierre Rosanvallon, «la République des idées», Blanche Segrestin et Armand Hatchuel dénoncent d’abord un effet d’optique. Pour expliquer la crise, les meilleurs esprits se focalisent souvent sur les banques et leurs dérives, certes spectaculaires, mais c’est faire fausse route ou ne pas voir l’essentiel : la menace d’une décomposition, voire d’une disparition de l’entreprise.
On la croyait omniprésente, intrusive, dévorante dans ce siècle naissant, on la découvre malade, affaiblie, dévoyée. Quand, à partir des années 70, les dirigeants se sont mis à privilégier les intérêts immédiats des actionnaires sur ceux de l'entreprise, une lame de fond a commencé à saper les fondements de cette organisation. Au point de la mettre en danger. L'entreprise est une invention moderne, elle a émergé à la toute fin du XIXe siècle. Ce nouvel «être collectif» surgit au cœur d'une «grappe d'innovations» techniques sans précédent dans les domaines électriques, des transports ou des télécommunications. Le nombre des brevets explose. L'idée se répand que la production collective d