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Libération
Reportage

Amiante : Eternit mord la poussière

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Deux responsables du groupe ont été condamnés hier, à Turin, à seize ans de prison ferme. Un verdict historique.
Des travailleurs français, venus en signe de solidarité, devant le tribunal de Turin, le 10 décembre 2009. (© AFP Damien Meyer)
publié le 14 février 2012 à 0h00

Pas un mot, pas un geste, juste quelques pleurs. Les visages sont fermés, impassibles. Hier, au palais de justice de Turin, les victimes italiennes de l’amiante ont accueilli avec pudeur le jugement historique du gigantesque procès pénal entamé en décembre 2009 contre les anciens responsables de la multinationale Eternit. Pourtant, la victoire est là, après trente-cinq années de combat. Et le verdict est sévère, à la hauteur de la catastrophe sanitaire et environnementale provoquée par l’amiante, ce «serial killer» qui n’a été interdit en Italie qu’en 1992 et continue à tuer chaque jour.

Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, 65 ans, patron d’Eternit de 1972 à 1986, et le baron belge Jean-Louis Marie Ghislain de Quartier de Marchienne, 91 ans, ex-PDG de la filiale belge et actionnaire d’Eternit jusqu’au début des années 70, ont été condamnés à seize ans de prison ferme. Mais ni cela ni les importants dommages et intérêts (250 millions d’euros) ne ramèneront leurs proches, morts d’avoir respiré trop longtemps la poussière léthale.

«Criminels». Durant trois heures, au fur et à mesure que le juge Casalbore égrène, dans une litanie interminable, les noms des parties civiles dédommagées, Romana Blasotti, 80 ans, écoute sans ciller. La «mère courage» de la ville de Casale Monferrato (Piémont), qui a perdu son mari, sa fille, sa sœur et deux neveux, tous victimes du mésothéliome, le cancer de l'amiante, semble se replier dans ses pensées, ses souvenirs et son at