L’un des aspects les plus méconnus de la crise actuelle est peut-être à quel point elle représente une diversion désastreuse. On ne peut même pas dire que ce soit une diversion fictive ou frivole. Non. Nous sommes bel et bien, collectivement, les otages d’une logique qui nous prend à la gorge et nous empêche de nous poser la question du sens même de notre vie économique. Car il y a urgence.
Le «sauve-qui-peut» qu’ont engendré le sauvetage des banques et des institutions financières en 2009, puis la crise monétaire de la zone euro liée à l’explosion des dettes souveraines en 2010-2011, accaparent l’attention des dirigeants et du public à un point tel que les enjeux cruciaux de notre temps ont été éclipsés. C’est à croire que l’actuelle architecture monétaire et financière - qui est en tout point responsable de la crise qui nous frappe - possède ce pouvoir inquiétant d’évincer les vraies questions, en produisant régulièrement des effondrements au nom desquels toutes les énergies politiques doivent être mobilisées.
L’idée d’une transition postcarbone faisait doucement son chemin comme projet politique positif et enthousiasmant. L’urgence écologique d’une décroissance concertée et équitable s’imposait lentement à certaines consciences. Comme par enchantement, à ce moment précis, les excès de l’obligation de croissance inscrits dans notre système monétaire et financier ont donné lieu à un cataclysme économique d’une ampleur telle que la seule réponse - véritablement désespérée - qu