«Toucher le RSA alors qu'on a dix-huit ans d'ancienneté, ça fait mal aux tripes.» Cherif Lebgaa, employé logistique d'entrepôt chez Camaïeu à Roubaix, estime qu'il est un «un cas d'école». Il décharge les camions, trie des cartons, bipe des codes-barres et conduit des chariots élévateurs à temps plein, pour un salaire de 1 180 euros. Et complété avec 296 euros de RSA. En couple avec un seul salaire et un enfant, ce délégué FO a découvert, il y a deux ans, qu'il y avait droit.
«Quand je demande une augmentation à la DRH, on me répond : "Pas la peine, il y a le RSA."» Il trouve anormal que le conseil général du Nord finance une partie des bas salaires d'une entreprise florissante. «Camaïeu a fait plus d'un milliard de chiffre d'affaires l'an dernier, notre précédent PDG est parti en 2008 avec 23 millions d'euros de stock-options, et depuis 2007, l'entreprise a distribué plus de 50 millions d'euros à ses actionnaires !» Impossible de chiffrer le nombre de salariés dans le même cas que lui. «Les gens ont honte. Parfois, seul le conjoint est au courant.» En attendant, tract à la main, il hèle les passants et surtout les clientes à l'entrée du magasin Camaïeu de Tourcoing, dans les rues piétonnes, et tend un tract de l'intersyndicale CGT-FO intitulé «La face cachée de Camaïeu», qui réclame 100 euros d'augmentation par personne pour les employés et les agents de maîtrise. La direction propose 1,6% d'augmentation pour les bas salaires,