Une scène de pénurie en temps de guerre, un petit tableau d’apocalypse… Il y a quelques jours, les dernières drogueries allemandes de la chaîne Schlecker ont bradé leurs stocks. Les caissières résignées, épaules basses et regard vide, ont assisté, impuissantes, à d’ultimes scènes de razzia dans leurs magasins. Près de la Schönhauser Allee, à Berlin, deux clientes polonaises bourrent leurs sacs de teinture pour les cheveux et de couches-culottes. Chez Schlecker, tout doit disparaître, bradé à 20 centimes l’article. Les produits de première nécessité - petits pots pour bébé, dentifrice, savon, liquide vaisselle et lessive - ont disparu depuis longtemps et la plupart des étals sont vides. Restent quantité de parfums bon marché, de tapettes à mouches, de sandalettes en plastique pour la plage et les tirages photos que certains clients ont oublié de venir chercher avant que les derniers magasins ne mettent la clé sous la porte. En Allemagne, une page de la grande distribution s’est tournée, définitivement.
Chemises tapageuses. Près de quarante ans durant, les enseignes bleu et blanc de la chaîne de drogueries Schlecker ont dominé le paysage urbain allemand. Pas une rue piétonne, pas un village sans son magasin Schlecker. Lorsqu'il fonde son entreprise, en 1975, Anton Schlecker, semble avoir inventé un concept révolutionnaire : la droguerie en libre-service. Le succès est rapide. En 1977, on compte 100 magasins Schlecker en RFA ; 1 000 en 1984. Dix ans plus tard, l