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Interview

«L’Etat doit aider les gens, pas l’entreprise»

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Joseph Stiglitz, Nobel d’économie 2001, fustige l’austérité et appelle à «façonner les forces du marché».
Joseph Stiglitz à New York, le 6 octobre 2010. (Photo Shannon Stapleton.Reuters)
publié le 10 septembre 2012 à 22h46
(mis à jour le 10 septembre 2012 à 22h46)

Le prix de l'inégalité ? La dégradation de l'économie, le sentiment d'injustice et la subversion de la démocratie. Telle est la thèse que l'économiste américain Joseph Stiglitz défend dans son nouvel ouvrage (éditions LLL).

En trente ans, 99% d’Américains ont vu leurs revenus n’augmenter que de 15%, quand une élite de 1% a vu les siens exploser de 150%. L’inégalité s’est-elle institutionnalisée ?

Les Etats-Unis ont montré la voie ; la France les suit. Du jamais vu depuis les années 30. Cette captation n’est pas liée à un boom de la productivité des PDG, des banquiers. Leur contribution à la société a souvent été négative. L’«économie du ruissellement» a vécu : les richesses montent vers les nantis, mais ne redescendent pas. Le mythe de la croissance équitable ne tient plus : on multiplie la privatisation de profits, la socialisation des pertes. Les mythes du rêve américain et de l’égalité des chances volent en éclat : l’Amérique est le plus inégalitaire des pays industrialisés, l’ascenseur social est bloqué.

Parce que les seules «forces du marché» ne suffisent pas ?

Les pays d’Europe du Nord le prouvent. Les forces du marché sont les mêmes partout : il faut les façonner pour qu’elles privilégient la démocratie aux intérêts particuliers. Les impôts nécessaires pour financer les prestations sociales n’étouffent pas la croissance : la Suède a connu une croissance supérieure aux Etats-Unis entre 2000 et 2010. La France a, elle, plus tendance à se rapprocher du modèle anglo-saxon que du modèle scandinave.

Vous dites que les 150 milliards de dollars (117 milliards d’euros) injectés en 2008 pour sauver l’assureur AIG de la faillite pèsent moins que seize ans d’aide aux pauvres. Est-ce comparable ?

L’Etat ne doit pas aider les entreprises, mais les gens qui en ont besoin. Si une firme ne marche pas, elle doit fermer. Dans la grande récession que nous vivons, la moitié des chômeurs n’ont pas d’assu