Menu
Libération

La crise, d’un noir lumineux

Article réservé aux abonnés
publié le 14 septembre 2012 à 19h07

Disons-le d’emblée, voici le livre le plus pénétrant, le plus puissant, le plus dérangeant qu’il nous ait été donné de lire sur la crise de l’euro et le vertige de nos temps modernes. Le journaliste François Lenglet signe un essai lumineux comme on le dirait d’une peinture de Pierre Soulages : on est d’abord saisi par l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité implacable. La thèse a le tranchant d’un verdict : l’euro court de catastrophe en catastrophe jusqu’à sa chute finale.

Nulle fascination morbide ou dérapage idéologique souverainiste derrière ce sombre diagnostic, l'auteur a été vacciné à l'école de Jean Boissonnat et en garde un attachement viscéral aux faits, à la rigueur du raisonnement et à la perspective historique. Quand Lenglet entend Mario Draghi affirmer, du haut de son fauteuil de président de la Banque centrale, que «l'euro est irréversible», il croît entendre Erich Honecker certifiant, juste avant sa chute, que le mur de Berlin tiendrait encore un siècle ! Inutile de crier au complot, notre union monétaire n'est victime que d'elle-même. Erreurs originelles de conception, dont on perçoit avec le recul l'insondable naïveté. Et surtout erreurs répétées - et peut-être fatales - de pilotage de l'euro depuis l'éclatement de la crise de 2007.

Les mille milliards injectés dans le sauvetage des pays du sud et de la périphérie de l’Europe semblent n’avoir servi à rien. L’auteur compare l’agitation désespérée des pays les plus meurtris à celle