«La philosophie est bien plus intéressante que les contes de fée. Pour moi, la philosophie est le pays des fées.» Nous sommes en 1906. Le petit garçon qui répond en ces termes au célèbre reporter John Pulitzer, venu dresser le portrait de «l'enfant le plus remarquable du monde», a 11 ans. Et il vient de rentrer à l'université pour y étudier les mathématiques. Sept ans plus tard, il est, à 18 ans le plus jeune «PhD» (docteur) de l'histoire d'Harvard. L'enfant prodigue s'appelait Norbert Wiener. Et était sans doute aussi génial qu'Einstein à sa manière. Mais son nom est aujourd'hui oublié du grand public, comme «tombé dans les fissures de l'âge de l'information» dont il fut pourtant le pionnier.
Grande injustice à l'encontre de l'inventeur de la «cybernétique», que deux journalistes américains, Flo Conway et Jim Siegelman, ont voulu réparer en lui consacrant une biographie émouvante. Prophète de l'ère numérique, Wiener travailla des années 20 jusqu'à la Seconde Guerre mondiale à l'élaboration du premier ordinateur moderne. Il fut, en 1948, à l'origine d'une révolution scientifique avec son livre la Cybernétique ou la commande et la communication chez l'animal et dans la machine. Aboutissement de deux décennies de travaux au prestigieux MIT, le Massachusetts Institute of Technology, cet ouvrage aura un énorme retentissement. La notion de «feedback», ou rétroaction, jette les bases fondamentales de ce qui deviendra la robotique, l'informatique