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TRIBUNE

Je me souviens des usines Citroën à Aulnay, de la Cité des 4 000 à La Courneuve…

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par Erick Auguste, Parmi les premiers habitants des 4 000
publié le 17 septembre 2012 à 19h08

Je me souviens d’un temps, tellement proche et si lointain, où les délégués syndicaux se faisaient régulièrement casser la gueule par les gros bras du syndicat patronal des usines Citroën. D’hélicoptères survolant les assemblées d’ouvriers en lutte, pour leur balancer des boulons sur la tronche. Les os se brisaient, les dignités prenaient leurs jambes à leur cou, et les sbires d’extrême droite se marraient.

Je me souviens des aubes froides, des gamelles de l’amour, des paupières engourdies d’un sommeil tourmenté.

Le temps des cars de ramassage dans la Cité des 4 000. Celui des «trois-huit» et de la peur distillée. Le temps de la menace perpétuelle et des violences physiques. Erigées en règle d’or.

Je me souviens de Rachid, couvert d’ecchymoses violacées pendant près de vingt ans, qui fut OS à la chaîne pendant autant d’années. Ouvrier algérien et voisin de palier, il était CGT. Je me souviens d’un anticommunisme forcené et du recrutement massif de nostalgiques entêtés d’une OAS en treillis. Nous étions les enfants des 4 000 et regardions de haut ceux des Huit-Cents d’Aubervilliers. Ceux des Courtillières de Pantin et ceux des cités de SaintDenis. Nos HLM, à nous, appartenaient alors à une ville lointaine qu’on appelait «Paris». Seigneuriale et hautaine. Enfin débarrassée !

Je me souviens d’une grève des loyers et d’une formidable victoire. D’Aïcha, aux mamelles gigantesques, et d’une banderole suspendue à ses fenêtres. Son mari était Rachid qui se faisait casser la gueule parce