Avec son dernier livre, Nicolas Baverez prend volontiers les traits de son mentor, Raymond Aron. Un goût certain pour la solitude et la figure de l'intellectuel de raison, rivé à la rigueur de l'analyse «objective» dans un pays hanté par les paradis artificiels. On sent même une lassitude du «spectateur engagé» d'avoir tant de fois tiré la sonnette d'alarme et d'avoir été si peu entendu des princes qui nous gouvernent. Ce Réveillez-vous ! sent à la fois le dépit et la colère. Baverez annonce depuis des années la crise qui nous assaille, il a prévenu cent fois de l'accident financier qui terrasse la France, il a multiplié essais et tribunes sur les moyens ultimes de l'éviter et le voilà acculé à constater, avec le ton glacé du médecin légiste, ce qu'il nomme «le déni français».
Avant la France qui tombe, sorti en 2004, Baverez avait déjà dénoncé, dans les Trente piteuses, ces trois décennies d'aveuglement où tout change pour que rien ne change : l'Etat repousse sans cesse son adaptation au monde moderne et tire des traites inconsidérées sur l'avenir.
A la manière d'un Marc Bloch cherchant à expliquer le désastre français de 1940, l'auteur dénonce une «défaite intellectuelle» avant d'être politique. Il en veut aux élites d'avoir préféré leur confort, les plaisirs de la rente et les jeux vains de la petite politique plutôt que d'être engagées - à l'image de leurs aînés de l'après-guerre - dans la belle av