«Tu vas voir qu'ils vont nous distribuer des fouets à la sortie pour que nous nous flagellions !» La femme d'un économiste américain glisse à l'oreille de son prix Nobel de mari, lors d'une conférence assommante, qu'elle n'en peut plus d'écouter le sermon masochiste du ministre allemand des Finances, le très rugueux Wolfgang Schäuble, prêcheur zélé de l'austérité et gardien du purgatoire européen. L'économiste qui confie cette anecdote dans son dernier livre n'est autre que Paul Krugman, professeur émérite de l'université Princeton et tribuniste aussi adulé que détesté du New York Times. Madame Krugman ne s'y trompe pas, il n'y a pas plus opposés que ces deux hommes-là.
Dans une supplique à ceux qui nous gouvernent, Krugman ressuscite une idée économique qui passait - et passe encore - pour une vieille lune : seule la dépense publique massive vient à bout des crises. Même si l'Américain se définit comme un «keynésien mi-figue mi-raisin», il tient bien le grand maître de la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie pour l'horizon indépassable de la science économique. On peut tenter de résumer cette thèse en quelques mots : quand une économie est profondément déprimée et que les taux d'intérêt sont proches de zéro, il faut que l'Etat dépense sans compter et sans avoir peur de l'inflation ni de la dette.
Depuis Keynes, toujours selon Krugman, on sait tout des crises et des moyens de les résoudre. La preuve par les années 30 :