Quand, il y a une quinzaine d’années, s’est mise en place l’interdiction de fumer dans les lieux publics, les raisons de restreindre la liberté des fumeurs étaient claires. Il s’agissait de protéger les non-fumeurs des méfaits du tabagisme passif qui leur était imposé par les fumeurs. En termes économiques, l’intervention du gouvernement se justifiait par la correction d’une externalité associée à l’effet du comportement des fumeurs sur les non-fumeurs. D’un point de vue moral, cette restriction se justifiait selon le principe que protéger la liberté d’autrui peut imposer des bornes à ma propre liberté.
Quand la municipalité de Calabassas, en Californie, décide, au nom de la lutte contre le tabac, d’interdire de fumer dans tous les espaces extérieurs de la ville, ou quand le maire de New York, Michael Bloomberg, propose, au nom de la lutte contre l’obésité, d’interdire la vente de sodas de grande taille dans toute la ville, les raisons de ces décisions sont radicalement différentes et les conséquences sur la liberté individuelle d’une tout autre nature. Il s’agit de protéger contre eux-mêmes les gros fumeurs ou les gros consommateurs de soda, en faisant implicitement l’hypothèse qu’ils ne sont pas rationnels, qu’ils ignorent les conséquences de leurs décisions sur leur santé future. La restriction de leur liberté est justifiée au nom de la correction de leurs biais cognitifs.
Mais au nom de quoi le fumeur occasionnel de Calabassas ou le buveur occasionnel d’un grand soda, tous