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Interview

«Ces choix ont été catastrophiques pour une partie de l’Europe»

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Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, s’inquiète de l’impact de mesures similaires dans toute la zone euro :
publié le 6 novembre 2012 à 22h51

Pour Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le «Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi» provoquera plus de mal que de bien.

En quoi le gouvernement fait-il fausse route lorsqu’il décide d’améliorer la compétitivité des entreprises ?

Faut-il rappeler que nous sommes dans une zone euro en récession ? Depuis 2011, tous les pays qui ont adopté la monnaie unique ont mis en place des politiques restrictives. On en connaît les conséquences : une demande atone, des entreprises qui ont des capacités de production inemployées et qui n’ont absolument pas besoin de faire le moindre investissement, et des profits en baisse. Ce sont essentiellement ces enchaînements-là qui expliquent la chute du taux de marge des entreprises en France et ce depuis le début de la crise, en 2007.

Mais en quoi la baisse des impôts pour les entreprises ne serait-elle pas une bonne option ?
Les mesures mises en œuvre sont extrêmement limitées. En France, la masse salariale s’élève à 1 200 milliards d’euros dans le secteur privé. Comment peut-on imaginer que 20 milliards de baisse des impôts pour les entreprises auront un impact positif sur la compétitivité et l’économie ? Vingt milliards, c’est 1,5% de 1 200 milliards. Donc, on peut dire que le coût du travail devrait, en théorie, baisser de 1,5% et non pas de 6%, comme le prétend le gouvernement. Autant dire trois fois rien. Or, depuis 1999, le différentiel de hausse des salaires avec l’Allemagne est de 10%. Ce n’est pas 1,5% qui changera la donne.
S’attaquer à l’offre n’est pas la bonne solution ?

En choisissant de favoriser l’offre, c’est-à-dire les entreprises, le gouvernement part du principe que le coût du travail dans l’industrie est élevé et que les entreprises paient trop d’impôts. Or, ce n’est pas ça qui explique la situation économique et sociale dans laquelle nous sommes plongés. Nous sommes en train de reproduire les choix faits par l’Allemagne et qui se sont révélés catastrophique pour une partie de l’Europe.

C’est-à-dire ?

En 1999, l’Allemagne s’est lancée dans une politique absurde de stagnation des salaires et de baisse des dépenses sociales. Les pays du Nord, qui ont mimé cette politique, ont certes gagné en compétitivité, mais en provoquant un fort déséquilibre de la zone euro. Des années durant, la hausse des salaires en France a suivi la hausse de