Carmen Colle est une femme magnifique. A 64 ans, son air de «péquenaude de province», comme elle dit, ne lui vaudra jamais la cover de Vogue. Mais dans le petit monde du luxe parisien, cette fille de bûcheron italien est une célébrité : elle a tenu tête à Chanel. Au bout de sept ans de procédure, qui ont failli tuer sa petite entreprise World Tricot, la justice lui a en effet donné gain de cause. Condamnée pour contrefaçon d'un motif de crochet réalisé par les petites mains de Lure (Haute-Saône), la prestigieuse maison de couture a décidé hier de ne pas se pourvoir en cassation.
Il y a deux mois, à l'annonce de sa victoire devant la cour d'appel de Paris, Carmen Colle pleurait de soulagement, mais aussi de tristesse d'avoir dû licencier tout le personnel. Au début de l'affaire, le Guardian lui avait consacré un portrait, la surnommant «l'Erin Brockovich de la haute couture». Sauf qu'à la différence de la militante écolo américaine, Carmen Colle n'a jamais été seule. «World Tricot, dit-elle, est une aventure collective, de femmes et d'amitiés.»
Boat-people. Ce matin, l'atelier de 1 200 m2 est presque désert. Devant la remailleuse, il y a Khadija, qui assemble un pull en cachemire : «Une heure par pull. C'est du maille à maille. Rien à voir avec le coupé-cousu fait en Chine.» Pas loin, il y a Clara, qui fait les finitions à la main, Béatrice, en train de coudre des perles, et Lahcen, le je