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Libération
TRIBUNE

Alain Desrosières, passeur d’idées

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par Michel Armatte, Annie L. Cot, Centre d’économie de la Sorbonne, université Paris-I et Amy Dahan, EHESS/CNRS
publié le 24 février 2013 à 19h07

Alain Desrosières nous a quittés ce 15 février, à l’âge de 72 ans - lui qui disait après avoir vu un film de Oliveira (102 ans) qu’il lui donnait le goût de devenir centenaire.

Alain Desrosières était polytechnicien (promotion X 1960) sorti dans le corps de l'Insee, où il a fait toute sa carrière comme administrateur - marquant la difficulté qu'il éprouvait à concilier l'image élitiste de cette fonction et la pratique qui était sienne d'une intelligence à contre-courant. Une tension qu'il éprouvât dès les débuts de sa carrière, comme coopérant, puis comme chargé de mission en Algérie, assumant à la fois son soutien à l'indépendance algérienne et son statut de représentant d'une France colonisatrice. Cette situation de «malgré nous», comme l'a écrit Bernard Guibert, fut déterminante pour Alain Desrosières comme elle le fut pour Pierre Bourdieu (Travail et travailleur en Algérie) qui fut son professeur à l'Ensae et avec lequel il collabora durant les années 70 et longtemps ensuite. La réflexion d'Alain Desrosières en tira son originalité.

Sa carrière aurait pu se résumer à ses fonctions administratives, vouées à la comptabilité nationale (dont le poste «dentelles et guipures»), à la division des études sociales, à l’harmonisation des systèmes statistiques européens. Au lieu de quoi il choisit un subtil décalage de cette position, à gauche (au service des citoyens) et en hauteur (avec les outils de l’historien et du sociologue), se faisant l’observateur privilég