Ils étaient invités ensemble à un colloque à Poitiers. Sylviane Rosière, ex-ouvrière textile, et Marcel Durand, ancien de l'industrie automobile, ont chacun écrit un livre sur le travail (1). Après une première chronique (Libération de lundi dernier), retour sur les mots de ces ouvriers à la retraite, qui résonnent comme ceux d'une espèce en voie d'extinction.
A quoi sert de témoigner sur le travail ? Sylviane Rosière : «J'ai trouvé plus facile d'écrire que d'aller au syndicat, j'ai peut-être eu tort. Derrière moi, il y avait trois générations de syndicalistes. Moi, j'ai choisi l'écriture.» Marcel Durand : «Au départ, écrire, c'était juste pour déconner. Après, cela a eu un autre sens, c'est devenu un peu politique.» Quel rapport ont-ils à l'usine ? Durand encore : «On n'avait pas le temps de faire bien le travail. Même si on n'aime pas le produit, on a une conscience professionnelle. Mais le patron ne nous laissait pas réaliser cette façon de bien travailler.» Rosière : «Je n'ai pas subi mon travail, j'aimais ce que je faisais. La corseterie, c'est très sophistiqué, il y a 27 opérations différentes à apprendre pour faire un soutien-gorge. Il y avait le coup de main à prendre. Avec le temps on a un savoir-faire, on va plus vite. Il fallait d'abord faire bien, et beaucoup si possible, et, enfin, habilement. C'est un métier plein de savoir-faire. Une fois qu'on a le coup de main, on peut se permettre des pauses mais, parfois, le