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Interview

«Les pays en crise n’osent pas élever la voix»

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Pour l’économiste Jean-Paul Fitoussi, le leadership allemand sur la zone euro crée un «équilibre de la terreur» qu’il faut à tout prix casser :
publié le 23 avril 2013 à 22h33

Economiste, professeur émérite à Sciences-Po Paris, aux universités de Rome et de Columbia, Jean-Paul Fitoussi dénonce l’absence de coopération dont souffrent les pays de la zone euro.

La quasi-totalité des pays européens semblent s’enfoncer dans la récession. Est-il encore temps de changer de cap ?

Dans le contexte actuel, il y a peu d’espoir, car le processus de décision au niveau européen est bloqué par la règle de l’unanimité. En outre, il existe un conflit de doctrine et d’intérêt entre les différents pays de la zone euro. Conflit doctrinal, car l’équilibre budgétaire est ancré chez les Allemands. Conflit d’intérêt, car la situation actuelle donne à l’Allemagne un leadership sur le reste de l’Europe. Nous savons que de nombreux pays de la zone euro souhaiteraient sortir de cette politique d’austérité planifiée sur une courte période.

S’agit-il de sortir des exigences du traité budgétaire et du Pacte de stabilité…

Oui, car de plus en plus de pays sont dans des situations sociales désespérées. Voyez l’Italie, l’Espagne, l’Irlande… ou encore la France. Sans même parler de la Grèce qui n’est pas en récession, mais dans une dépression d’une violence inouïe. Le pire, c’est de voir à quel point ces pays n’osent pas élever la voix pour dire la gravité de leur dégradation économique et sociale.

Pourquoi ?

Ces pays ont peur des conséquences que cela pourrait avoir sur les spreads, ces fameuses différences entre les taux d'intérêt allemands, qui sont la référence, et leurs taux nationaux. Si un pays décidait de lui-même, sans le consentement des autres, de repousser le moment du retour à l'équilibre budgétaire, il courrait le risque de voir ses taux d'intérêts s'envoler. Ce risq