Après la montée de Saint-Just-Malmont, un vent glaçant vous cueille sous une lumière rasante. La neige a fondu sur le plateau du Velay. Restent des monticules boueux sur les bas-côtés. Lieu-dit Talatay, 900 mètres d’altitude. Au bout du chemin, deux hommes s’affairent auprès d’une bâtisse en pierre ornée d’une boîte au nom de Granger. Cette maison était sur la tournée de Pauline, 21 ans, la factrice qui s’est donné la mort le 15 février. La jeune femme était l’un des bouche-trous en CDD de la Poste qui assurent la distribution du courrier. Deux mois après sa dernière tournée, «bulletin d’itinéraire» en main, nous avons refait son circuit.
Quatre heures de dépassement
«L'hiver, c'est une autre galère ! relève Daniel, l'aîné des frères Granger. Ici, ça va encore. Mais il y a le village plus haut, derrière le bois. Il faut passer par la route de Jonzieux, Malifaux… C'est plus compliqué.» Pauline ? «On s'en souvient. On a lu les journaux», glisse Daniel. En l'occurrence, les quelques lignes parues dans le quotidien local. «Mais, je ne vais pas accuser la Poste», ajoute aussitôt Christian, comme pour couper court à la conversation sur ce sujet.
A l'inverse, les deux frères sont intarissables sur ce qu'ils qualifient d'abandon par la Poste de sa mission de service public. «Pendant une semaine, on n'a pas eu de courrier. C'est très gênant pour les journaux. Et c'était pas dû aux intempéries ! Si [la Poste] n'est pas capable d'organiser les tournées, qu'elle le dise !»