Charles Wyplosz est professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève.
L’Europe et la France doivent-elles s’inspirer de la façon dont les économies japonaise et américaine, deux cas pas forcément comparables, redémarrent ?
Oui. Aux Etats-Unis, la récession fut brève et le pays renoue avec la croissance, avec l’appui de la banque centrale. Le gouvernement n’a jamais fait d’austérité, malgré la guéguerre entre démocrates et républicains qui entrave la politique budgétaire. Au Japon, l’arrivée d’Abe s’est surtout illustrée par la nomination d’un nouveau gouverneur de la banque centrale qui a, comme aux Etats-Unis, mené une politique monétaire très dynamique, et appuyé une forte augmentation des dépenses publiques. Ce qui permettrait, peut-être, de sortir de la spirale déflationniste. Dans ces deux pays, la priorité, c’est la croissance. Pas en Europe, ni en France. Entamée avec les plans Fillon, l’austérité a même été renforcée depuis l’arrivée de Hollande, qui ne se préoccupe pas de faire de la relance. Donc l’économie ne repart pas…
La question de l’indépendance très relative des banques centrales japonaise et américaine a-t-elle permis le rebond économique ?
Non, c'est une question de choix politiques. La Réserve fédérale [la Fed, ndlr] reste indépendante, même si elle doit rendre des comptes au Congrès. La banque centrale nipponne est aussi indépendante, mais elle est dirigée par un homme beaucoup moins orthodoxe que par le passé. En Europe, Draghi a succédé à Trichet, d'une prudence redoutable, mais il souffre d'un manque d'indépendance liée à la pression de l'idéologie allemande. La BCE pourrait pousser davantage, comme le font les banques centrales japonaise ou américaine, mais la réalité c'es