Angel Gurria est secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), club des 34 pays les plus riches.
L’OCDE travaille sur la double taxation des multinationales. Or, elle est confrontée à une double non-taxation…
C’est exactement cela. On a planché depuis cinquante ans pour éviter la double imposition. A l’arrivée, on a créé des bataillons de comptables et d’avocats qui exploitent les failles juridiques des systèmes mis en place par les Etats eux-mêmes en voulant protéger leurs champions !
Donc la lutte contre l’évitement fiscal des multinationales n’en est qu’au début ?
Autant on a bien avancé depuis 2008 dans la lutte contre le secret bancaire et les paradis fiscaux, autant on n'en est qu'au début dans la lutte face aux firmes, notamment numériques, qui échappent aux taxes. Dans le premier cas, il y avait 40 accords bilatéraux, on en a 800 ! Et 120 juridictions travaillent à renforcer les échanges d'informations fiscales à la demande. La prochaine étape ? Les rendre automatiques, à l'image de la loi Fatca aux Etats-Unis, et bientôt en Europe. Cette lutte-là, c'est le bon côté des anges. Il faut juste des inspecteurs des impôts et des policiers pour faire appliquer les lois. Mais les Beps [l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, ndlr], c'est beaucoup plus obscur et compliqué. Il faut un changement de culture complet, l'aide des parlements, de l'opinion publique, des investisseurs, etc.
Mais il y a enfin une volonté politique, non ?
C’est capital ! Les Etats, hier architectes de ces artifices fiscaux, sont désormais dans une situation inédite de contrainte budgétaire. Le monde a changé et les lois relatives aux impôts sur les sociétés ne son