Ce vendredi 15 février, quelque chose d'extraordinaire va se produire dans l'enceinte de l'Assemblée de la république, la Chambre des députés portugaise. On est en pleine séance parlementaire pour débattre des énièmes coupes budgétaires qui taraudent le pays. Les orateurs se succèdent, puis c'est le tour de Pedro Passos Coelho, le Premier ministre conservateur, bon élève de l'Union européenne, lisse et poli. Le voici qui se lance dans un savant exposé chiffré pour justifier «la poursuite des sacrifices» lorsque, soudain, depuis la tribune de l'hémicycle, un air connu de tous est entonné à pleins poumons (1).
C'est Grandôla, Vila Morena («Grandôla, bourgade brune»), l'hymne de la révolution des œillets qui marqua, de façon pacifique, la fin d'un demi-siècle de dictature. Un certain 25 avril 1974, où cette chanson de Zeca Afonso accompagna - via la radio Renascença - le peuple lisboète en liesse alors qu'il escortait ses capitaines révolutionnaires récupérant un à un les sièges du pouvoir. Depuis lors, Grândola, Vila Morena est un totem de la liberté reconquise. Un emblème unitaire, dont le troisième vers dit : «O Povo é quem mais ordena» («c'est le peuple qui commande»).
Coup de théâtre parlementaire
Au moment précis où elle s'apprête à chanter ce vers, la trentaine de personnes constituant ce chœur inattendu se lève, solennelle, déterminée, vibrante. La présidente de l'Assemblée s'étrangle : «Vous ne pouvez pas vous manifester de cette façon-là !» Le