«Money get away / Money is a crime / Money is the root of all evil today» : en l'an 1973, le Floyd chantait son dégoût du veau d'or. Un tube planétaire, en phase avec l'époque contestataire, qui a rapporté une montagne d'argent à Roger Waters et ses acolytes… Quarante ans ont passé, et qu'on en ait trop ou qu'on en manque cruellement, le fric règne comme jamais sur nos vies. Rien de neuf me direz-vous. Napoléon, quand il ne mettait pas l'Europe à sac, lisait Montesquieu et écrivait déjà ceci : «Lorsqu'un gouvernement est dépendant des banquiers pour l'argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement, qui contrôlent la situation. […] L'argent n'a pas de patrie ; les financiers n'ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain.» Mais aujourd'hui, avec l'emprise féroce de la «main invisible des marchés» sur les Etats surendettés, l'argent est devenu bien plus que la valeur d'échange du commerce sans qui on ne fait pas société.
L'argent s'est érigé en valeur «morale» (oxymore philosophique), en finalité et programme politique en soi. Le libéralisme triomphant impose sa doxa au monde civilisé comme un rouleau compresseur. Car civilisé, lui, il ne l'est pas. Cela ne rapporte rien. Le mot d'ordre n'est plus celui de Guizot, «enrichissez-vous», mais celui de Goldman Sachs, «endettez-vous» pour acheter toujours plus. Nous sommes à la fois victimes et complices de ce consumérisme hystérisé. La bonne nouvelle, c'est qu'ici et là, l'idé