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Libération

L’Europe, d’une obscure clarté

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publié le 7 juin 2013 à 22h01

Tout commence par une histoire. L'histoire ancienne et bête comme chou du niais qui a perdu ses clés et qui les cherche sous un lampadaire, non pas parce qu'il les a perdues là, mais parce que c'est le seul endroit éclairé de la rue. De cette plaisanterie universelle, l'économiste Jean-Paul Fitoussi a tiré un théorème, aussi savoureux que pathétique, sur les politiques conduites depuis des décennies, et notamment sur l'austérité qui prévaut en Europe. «Nous continuons d'agir, écrit-il, comme si nous nous trouvions dans le monde d'avant, comme si les crises successives que nous venons de traverser n'étaient que des parenthèses appelées à se refermer au plus vite.»

Keynésien, humaniste, partisan d'une Europe fédérale, Jean-Paul Fitoussi retrace le chemin de la pensée économique qui, pense-t-il, s'est arrêtée sans cesse sur «les endroits éclairés du monde», en ignorant «la pénombre qui demeure imprécise et l'obscurité impénétrable». C'est ainsi que les marchés financiers ont prospéré, les analystes faisant fi de leurs défaillances, leur fonctionnement opaque. «Le lampadaire n'éclairait qu'un monde imaginaire, laissant dans l'obscurité celui où nous vivons. […] La crise a eu au moins le mérite de le révéler» , souligne l'auteur. Tout au long d'un récit dense mais enlevé, il s'en prend au dogme de la politique monétaire européenne et ses politiques budgétaires nationales, s'indigne de l'obsession de la réduction des déficits et