Héritier de l’Ecole de communication de Toronto fondée par Marshall McLuhan, et pilier du mouvement cyberpunk, le théoricien américain Douglas Rushkoff affirme que les médias numériques ont aboli le futur. Rien que ça.
Votre dernier ouvrage, Present Shock : When Everything Happens Now, évoque notre obsession pour l’instant présent. Qu’entendez-vous par là ?
Le présentisme succède au futurisme. Au XXe siècle, on avait les yeux rivés sur le futur. L'essence même de l'âge industriel était l'idée de progrès, de croissance, d'un lendemain nécessairement caractérisé par des technologies plus puissantes, plus performantes et plus rapides.
Et puis, nous avons franchi le cap du changement de siècle. Le grand bug de l’an 2000 n’a pas eu lieu, mais les attentats du 11 Septembre ont comme figé le compte à rebours du futur. On s’est rendu compte qu’à l’ère des médias numériques, le temps n’est plus égrené par les aiguilles d’une pendule. Le temps est un chiffre statique remplacé sans transition par un autre chiffre, tout aussi statique. Dans un tel environnement, on n’est plus aspiré dans un mouvement linéaire à travers l’espace-temps, mais on est suspendu dans un instant prolongé.
Vous évoquez pourtant «l’état constant d’interruption» dans lequel nous vivons…
Effectivement, nous sommes confrontés en permanence à une multiplicité de choix : appels téléphoniques qui se télescopent, alertes de SMS ou d’activité récente sur nos réseaux sociaux, courrier électronique, titres d’actualité ou valeurs boursières qui surgissent sur notre écran de smartphone, etc. Ces interruptions constantes nous ramènent toujours à l’urgence de l’instant présent. Les marchés financiers ne sont pas épargnés : ils sont ani