Carré discret de la chevelure, visage galbé sans fard ni artifice, son naturel se voûte jusqu’au creux des épaules, assujetties depuis longtemps à une modestie protestante. Son prénom ne surprend pas. Esther, économiste spécialiste de la pauvreté, a ceci de commun avec la reine de l’Ancien Testament, épouse du roi de Perse Assuérus, qu’elle cultive une ascèse spontanée, doublée d’un altruisme exalté.
Rien de ce menu corps ne trahit l'aura qui l'entoure, encore moins ce parler presque chuchoté, aux assertions comme en lévitation, en quête du mot idoine. Pourtant, en 2010, Esther Duflo - qui fut chroniqueuse à Libération de 2002 à 2009 - décroche la médaille John-Bates-Clark, sorte de préalable au prix Nobel d'économie. En 2011, le magazine Time classe cette enseignante au Massachusetts Institute of Technology (MIT) parmi les cent personnalités les plus influentes au monde. Et en 2012, onction suprême, elle intègre le Comité pour le développement mondial, chargé de conseiller Barack Obama sur les problématiques d'aide au développement des pays pauvres. Déconcertante d'humilité, quand d'autres auraient pontifié avec superbe, Esther Duflo se contente de clore le chapitre : «C'est une mission purement consultative, comme il en existe des centaines. Je n'ai jamais rencontré Obama, ni même échangé de mail avec lui.» Esther Duflo louvoie ainsi à la lisière du pouvoir, distribue avis et conseils techniques aux puissants, sans jamais entrer dans l