Stephen S. Cohen est professeur d’économie à l’université de Berkeley. Spécialiste d’économie urbaine et des territoires, il répond aux questions de Libération après la
[ faillite de la ville de Detroit ]
. Entretien.
Quelle est l’importance de cette faillite à l’échelle américaine?
C’est la plus grosse faillite de collectivité locale jamais prononcée aux Etats-Unis depuis la deuxième guerre. A ce jour, la plus importante était celle du Comté de jefferson, dans l’Alabama, qui s’était mis en faillite en 2011 alors que son endettement était de 4 milliards de dollars contre 20 milliards pour Detroit aujourd’hui! Et la ville de Stockton, en Californie, qui s’est placée en faillite en 2012, a une population moins que moitié moindre que celle de Detroit.
C’est donc un événement considérable...
Ce n’est pas une surprise en tout cas. La ville de Detroit, autrefois la quatrième des Etats-Unis, a perdu la moitié de sa population depuis 1950, pour être ramenée à 700 000 habitants aujourd’hui contre 1,8 million à l’époque. Et ce sont les plus pauvres qui sont restés, avec une population noire à 80% aujourd’hui alors que celle de l’aire métropolitaine de Detroit est blanche à 70%. Résultat, l’immobilier s’est effondré et les taxes prélevées par la municipalité également, en chute d’au moins 25% sur les deux dernières années. D’où le recours à une spirale de l’endettement à laquelle est mise un terme aujourd’hui en plaçant la ville sous la protection du chapitre 9, l’équivalent du chapitre 11 pour les entreprises. C’était inévitable, la ville n’avait même plus les moyens d’entretenir son réseau électrique avec près de la moitié de