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Interview

«Il faut un impôt mondial sur le capital»

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Les chroniques de Thomas Pikettydossier
Thomas Piketty, 42 ans, est professeur d’économie.
Thomas Picketty. (Photo Thierry PASQUET pour Libération)
publié le 1er septembre 2013 à 20h26
(mis à jour le 3 septembre 2013 à 11h38)

Depuis quinze ans, Thomas Piketty, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l’Ecole d’économie de Paris, travaille sur les inégalités. Il plaide ici pour la création d’un impôt mondial progressif sur le capital.

Depuis les années 70-80, l’héritage pèse de plus en plus dans les revenus et les inégalités sociales sont reparties à la hausse. Pourquoi ?

Plusieurs phénomènes se conjuguent. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le stock de patrimoine privé était tombé à un niveau très bas. Il a fallu des décennies pour qu’il se reconstitue. Ce processus a été renforcé par l’abaissement de la croissance depuis les années 70-80. Dans des sociétés de croissance lente, les patrimoines issus du passé prennent naturellement une importance démesurée. Le capitalisme de reconstruction n’était qu’une parenthèse : dans le long terme, il ne peut exister de capitalisme autre que patrimonial.

On pourrait croire pourtant que dans une économie numérisée, le capital humain, l’intelligence seraient valorisés…

Le développement économique repose effectivement sur des qualifications de plus en plus pointues. Mais il nécessite également des équipements, des bureaux, de l'immobilier d'habitation, en quantité et en qualité toujours plus élevés. Au finale, la valeur du capital professionnel, financier et immobilier, c'est-à-dire non humain, s'établit autour de six années de production et de revenu national en ce début de XXIe siècle dans les pays riches, pratiquement autant qu'aux XVIIe et XIXe siècles.

Une faible croissance accentue ce phénomène, mais ne sera-t-il pas corrigé au prochain cycle de croissance forte ?

Nous ne reviendrons jamais à la croissance de 5% par an des Trente Glorieuses, qui correspondait à une phase de rattrapage. Dans les pays qui se situent à la frontière t