C'est un gros livre rouge, imposant et important à l'heure où la Grèce n'en finit plus de rembourser ses prêts, où les Etats-Unis s'écharpent entre démocrates et républicains pour relever le «plafond de la dette» et où toute la planète semble étouffer dans une orgie de crédits. Dette, 5 000 ans d'histoire est à ne pas manquer pour (au moins) trois raisons.
Premièrement, c'est un livre intello de combat. Comme son auteur, David Graeber, anthropologue à la London School of Economics et figure active du mouvement Occupy Wall Street, qui s'en prenait aux «1%» les plus riches accapareurs. Militant antidette des pays du tiers-monde et spécialiste des rites de Madagascar. Rencontré à Paris, il foisonne, parle très vite et alterne érudition pointue sur l'esclavage pour dette dans l'Inde du IIIe siècle avant J.-C. avec des bourre-pifs rhétoriques sur la «bureaucratie internationale» qui fait des prêts un instrument d'oppression.
Deuxième raison, sa force politique : là où les discours usuels sur la dette évoquent le moralisme à la François Bayrou ou les récriminations de la Bundesbank, ce livre démonte les mythes de l’économie politique, qui a longtemps raconté la fable du troc
(«j’échange ma vache contre ta vache»)
précédant l’invention de la monnaie. En fait, c’est le crédit et la dette qui fondent toute économie : la dette de chacun vis-à-vis de son voisin, les dettes des Etats entre eux.
«Les systèmes de crédit [ont] précédé de plusieurs millé