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Libération
TRIBUNE

Le manifeste inégalitaire de Thomas Piketty

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par Geoffroy de Lagasnerie, Philosophe, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy
publié le 17 octobre 2013 à 18h06

En publiant le Capital au XXIe siècle, Thomas Piketty entend dresser un constat alarmant : les sociétés contemporaines seraient caractérisées par un accroissement des inégalités de patrimoine. D'où une situation de plus en plus favorable à l'héritier au détriment de celui qui ne dispose que de son travail. Le capitalisme produirait des inégalités «insoutenables, arbitraires». L'étude de Piketty se veut imposante. Mais il faut se méfier de la profusion de chiffres qui constitue l'essentiel de cet ouvrage. Car il se pourrait bien que ce dispositif fonctionne comme un piège ayant pour fonction de dissimuler le projet du livre.

Loin d’être neutre, la description proposée s’inscrit dans un cadre programmatique précis. Derrière elle, se cache non pas une contribution à la pensée de gauche mais une régression théorique inscrite dans une ligne politique conservatrice.

Thomas Piketty aime à se présenter comme un chercheur en sciences sociales pour qui l’économie devrait rester au contact de l’histoire, de la sociologie, etc. Sa démarche témoigne d’une brutale réduction économiciste. Elle revient en arrière par rapport à la réflexion sur les inégalités depuis quarante ans. Les inégalités ne sont définies par lui que sous l’angle des inégalités de revenu. Le capital et l’héritage sont restreints au capital et à l’héritage financiers. C’est toute l’analyse, issue notamment des travaux de Pierre Bourdieu, sur la nécessité de saisir les multiples formes de la do