Pendant quelques semaines, le Congrès américain s’est déchiré à propos du «plafond de la dette», condamnant les services publics au chômage partiel. Cette situation révèle la vulnérabilité des Etats (même le plus puissant d’entre eux) par rapport à la finance. Mais elle démontre aussi que la politique et l’économie sont dépendantes de décisions morales implicites. Le «plafond de la dette» ne désigne pas d’abord la somme maximale qu’un Etat s’autorise à emprunter. Il exprime surtout la quantité de promesses que ce même Etat est prêt à contracter auprès d’autres institutions. En ce sens, il n’y a pas véritablement de plafond puisque l’on peut tout à fait imaginer une dette infinie. N’est-ce pas d’ailleurs une dimension centrale du christianisme ?Le sacrifice de Dieu en faveur de l’humanité instaure une dette que l’on ne pourra jamais rembourser. Il installe les hommes dans la position de débiteurs éternels.
Comme le rappelle David Greaber (1), la notion d’endettement précède l’invention de la monnaie et même celle du troc. La dette est une structure de l’échange dans la mesure où elle est l’origine du sentiment d’obligation : celui qui doit «honorer» ses créances place tout naturellement son honneur dans le remboursement rubis sur l’ongle de ce qu’il doit. Dès que l’on parle de crise de la dette, on se situe donc dans un univers qui excède l’économie et touche à la morale. On ne comprendrait pas, sinon, que tant de peuples aient intériorisé une culpabilité par rapport à une det