Ecrivain et philosophe, Eric Sadin est l'un des rares intellectuels français à penser le changement de civilisation induit par la numérisation de notre monde. Son dernier livre, l'Humanité augmentée (1), a reçu le prix de l'«essai le plus influent de l'année sur le digital» au Hub Forum 2013. Il y évoque la naissance d'un homme-interface connecté à une intelligence artificielle ambiante…
Vous écrivez que la révolution numérique s’achève «dans le miracle d’une interconnexion intégrale reliant virtuellement tout être, toute chose, tous lieux». Ça y est, nous sommes entrés dans la «matrice» ?
Sans doute. Ces trente dernières années ont été marquées par un mouvement de numérisation continu et exponentiel de quantité de champs du réel. Ce mouvement a abouti à l'interconnexion totale, de notre monde physique à ce nouveau monde qu'est le Web. Ce que Jeremy Rifkin a appelé «l'âge de l'accès» dans un livre paru en 2000 a marqué l'avènement du XXIe siècle, tout comme la révolution industrielle et la société de consommation ont déterminé les XIXe et XXe siècles : c'est le moment où 2 milliards d'humains connectés à Internet ont pu accéder à des masses d'informations infinies, au commerce globalisé, et ont vu se modifier leur relation aux autres par les mails et les réseaux sociaux. Cette nouvelle condition globalisée a bousculé l'état de nos sociétés. Désormais, la révolution numérique s'achève, mais «l'accélération» va continuer.
Quelle est la prochaine étape de cette accélération ?
A mon sens, elle a déjà commencé avec l'introduction du smartphone en 2007. Le premier iPhone d'Apple a inauguré l'âge de l'interconnexion spatio-temporelle quasi ininterrompue et a ouvert un nouveau cycle caract