Comment permettre la libre circulation en interdisant la libre exploitation ? C’est la posture d’équilibriste sur laquelle vacille, depuis dix-sept ans, la directive sur le détachement des travailleurs. Dès 2003, une évaluation réalisée par la Commission européenne constatait les imperfections du texte de 1996. Mais il faudra attendre dix ans pour qu’on s’attèle à sa révision. Entre-temps, dérives et abus ont envenimé le débat, au point qu’une loi conçue contre le dumping social est désormais accusée par les syndicats de le favoriser.
L’histoire de cette directive commence avec l’élargissement à l’Espagne et au Portugal. Très vite, se pose le problème d’une entreprise portugaise, Rush Portuguesa, à qui Bouygues a sous-traité un bout du chantier du TGV Atlantique. Peut-on admettre que des ouvriers portugais travaillent en France au tarif portugais ? Evidemment non pour Paris, qui saisit la Cour de justice européenne et obtient gain de cause dans un arrêt de 1990 : toute entreprise espagnole ou portugaise est libre de proposer ses services sur le sol français, mais l’égalité de traitement des travailleurs s’impose.
Socle. De 1991 à 1996, l'Europe des Douze, puis des Quinze, planche donc sur une loi susceptible d'éviter la concurrence déloyale des pays à bas salaires. Il en sort la fameuse directive 96/71 qui garantit un socle minimum de droits sociaux aux salariés temporairement détachés dans un autre Etat membre. Ce sont les conditions de t