Turban sur la tête et galabeya blanche, Karim décrit les rives nilotiques d’Assouan dans un anglais approximatif : le mausolée de l’Aga Khan, le prestigieux hôtel Old Cataract, les villages nubiens, l’île Eléphantine, nommée ainsi à cause de ces rochers gris dont la forme peut faire songer à l’animal… Sa voix est monocorde, l’enthousiasme n’y est pas.
Très vite, ce pilote de felouque - petit bateau à voile - dérive vers ce qui le préoccupe au plus haut point : l'absence de touristes et donc de revenus. Décembre est en théorie une période de grande affluence dans cette ville du sud de l'Egypte. Mais, malgré le soleil radieux, les visiteurs ne sont pas au rendez-vous cet hiver, et ce pour la troisième année consécutive. Résultat : Karim, qui jadis effectuait quatre à cinq tours quotidiens en bateau, n'en fait plus que deux par semaine. Ce qui lui rapporte environ 50 livres (5,2 euros), qu'il partage avec son copilote. Pour compenser, il s'est lancé dans le pilotage des bateaux à moteur, plus prisés des jeunes Egyptiens qui, en groupe, parcourent le fleuve à toute vitesse avec de la musique electro en fond sonore. Mais Karim n'est pas seul à avoir eu cette idée, et la concurrence est rude. «Je ne gagne même pas de quoi vivre», soupire ce nostalgique affiché de l'ère Hosni Moubarak, d'une voix suppliante.
«Peur». Avant la révolution de janvier 2011, le tourisme représentait 80% de l'activité économique d'Assouan qui, avec Louxor et se