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Libération
TRIBUNE

La France a besoin d’un «choc de syndicalisation»

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par Patrick BRODY, Syndicaliste et Gérard Billon, Syndicaliste
publié le 5 janvier 2014 à 17h36
Alerte rouge ! Des salariés qui manifestent avec leurs patrons, d’autres qui reprochent aux syndicats de les empêcher de travailler le dimanche, une montée du vote ouvrier en faveur du Front national, etc. Nombreux sont les éléments dans la période actuelle qui montrent qu’une frange grandissante du salariat considère que le syndicalisme n’est pas en capacité de leur apporter du mieux dans leur vie présente et à venir. En effet, même si la désyndicalisation s’est arrêtée dans les années 90 et qu’il y a depuis une quasi-stabilisation des effectifs syndiqués, nous sommes dans une situation de sous-syndicalisation pérenne qui entraîne des reculs non seulement sur le niveau et le contenu des luttes sociales, mais aussi sur les valeurs d’unité, de solidarité, d’émancipation, de démocratie, que porte le syndicalisme et qui ont jusqu’ici irrigué la société française.

Dans le même temps, tout en versant des larmes de crocodile sur le faible taux de syndicalisation dans notre pays, le Medef et les forces politiques favorables au libéralisme économique, qu’elles soient de droite ou de gauche, agissent pour instaurer dans les faits un syndicalisme institutionnalisé, intervenant non plus dans un rapport de représentation du salariat, mais dans une logique de corps intermédiaire chargé de la gestion des risques sociaux.

Ainsi, le patronat et les pouvoirs publics, en maniant à la fois répression et multiplication de structures de consultations et dialogue en tout genre sur leurs objectifs au mépris de négociations, parviennent à ce que la représentation et la capacité d’action des syndicats soient remises en cause par les salariés eux-mêmes. Et comment peut-il en être autrement quand le syndicalisme est absent de secteurs entiers du salariat, comme le commerce et les services, les PME et TPE où se concentrent un grand nombre d’ouvriers, de jeunes, de femmes qui sont souvent les plus précarisés ?

Comment peut-il en être autrement quand la plupart des syndicats comptent au plus quelques dizaines de syndiqués dans des entreprises de plusieurs centaines de salariés ?

Comment peut-il en être autrement quand, même si le syndicat est encore fortement implanté, les élus et les mandatés sont de plus en plus sollicités pour passer leur temps dans les réunions avec les directions plutôt qu’avec les salariés ?

Partout, les salariés n’attendent pas grand-chose