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Libération
Chronique «Au boulot»

Chronique d’un crépuscule ouvrier au côté de Gigi, ex-d’Aulnay

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publié le 19 janvier 2014 à 21h06

Gigi est prête à tout pour décrocher un CDI : «Sans lui, je ne suis pas socialement fiable, je ne suis rien.» Ainsi commence le récit du Salaire de la vie, livre-témoignage d'une ex-d'Aulnay. Veuve depuis six ans, avec trois enfants à charge, elle part travailler à l'atelier ferrage de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois. «Tout y est noir et poussiéreux. Le bruit est si assourdissant […] que c'est en criant que nous nous adressons la parole.» Elle va vivre au rythme des robots et devoir se concentrer «quatre cent vingt minutes par jour sur les mêmes gestes et chercher à les exécuter le plus rapidement possible». A force de travail, elle a l'impression que son «cerveau se ramollit, qu'il se vide de sa substance». Pourtant, de ses premières heures de boulot, elle se souvient : «Nous formions une super équipe de bosseurs, des pros qui se donnaient à fond, des ouvriers fiers de leur travail.»

Et puis, la nouvelle tombe. Le site d'Aulnay va fermer. «Comment imaginer que cette usine où nous avons tant investi de notre temps, de notre énergie, de notre santé soit rayée d'un seul trait de plume ?» Gigi va se syndiquer, devenir déléguée du personnel du ferrage. Les ouvriers se confient à elle. Elle n'a pas sa langue dans sa poche, et la direction l'écoute attentivement lorsqu'elle signale un problème. Mais «aujourd'hui, notre travail coûte trop cher». Comme à Aulnay, «la liste des emplois et des industries