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Interview

«L’agroécologie doit être une alternative sociale»

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EcoFuturdossier
Le penseur Pierre Rabhi invite à réenvisager les rouages de notre monde en mettant l’agriculture au service d’un mieux-consommer mais aussi des êtres humains en tant qu’éléments de la nature.
publié le 23 février 2014 à 17h06

Ses ouvrages font référence, ses conférences font salle comble. Né en 1938, le paysan, écrivain – auteur notamment de l’Agroécologie pour nos enfants (1) – et penseur Pierre Rabhi est l’un des pionniers français de l’agroécologie. Il en souligne ici la portée éthique.

L’«agroécologie» est à la mode depuis que le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, en a fait le porte-étendard de son projet de loi. Mais vous, vous la pratiquez depuis longtemps…

Oui, depuis 1963, quand nous avons acquis une ferme en Ardèche, ma femme et moi. Nous avons essayé sur une zone aride d’avoir une approche agronomique qui puisse rendre les sols fertiles. Vu l’efficacité de la méthode, le Centre de formation des jeunes agriculteurs du Burkina Faso m’a demandé, au début des années 80, de les aider à intégrer l’agriculture écologique dans leurs pratiques. C’est là que j’ai commencé à employer le terme agroécologie. Dans cette région du Sahel en voie de désertification, je ne pouvais pas me contenter de faire de l’agriculture biologique. Il fallait lutter contre l’érosion des sols, reboiser… En présence de sols desséchés, l’agroécologie est souveraine. On remet des micro-organismes dans le sol, on le redope par le compostage des matières organiques que l’on fait fermenter. Ces méthodes ont fourni des résultats. A tel point que le président burkinabé Thomas Sankara voulait en faire une option nationale. S’il n’avait pas été assassiné en 1987, le Burkina Faso serait aujourd’hui un pays de l’agroécologie. Depuis cinquante ans, nous avons démontré la valeur de l’agroécologie.

Pour la première fois, un ministre entend la populariser. Cela vous satisfait-il ?

Je suis un peu agacé, car pendant des décennies nous avons agi sans attendre l'Etat.