Non satisfaits d’avoir fragilisé la puissance sociale et politique du travail par des méthodes managériales visant à isoler, à mettre en concurrence, à diviser les salariés, les grands groupes perfectionnent les dispositifs pour contraindre et orienter les conduites. Leurs armes ? L’éthique d’entreprise avec son arsenal de chartes, de codes, de systèmes d’alerte et d’incitation à la dénonciation. Introduite il y a une vingtaine d’années sous la forme anodine d’un discours séducteur quasi publicitaire, l’éthique managériale n’a pas emporté l’adhésion des salariés. Comme c’était prévisible, la voici qui évolue. Elle montre son vrai visage : moralisateur, hygiéniste, disciplinaire, liberticide.
Le ton est donné dans les chartes éthiques nouvelles moutures. Voici quelques exemples des obligations qui y sont consignées : «Chaque salarié du groupe, peut-on lire dans l'une d'elles, s'engage à user de sa liberté d'expression dans l'entreprise sans porter atteinte aux valeurs, à la sécurité et à l'activité du groupe ou d'une de ses sociétés», à «être un acteur de l'éthique du groupe en s'efforçant d'être exemplaire dans son comportement et de promouvoir l'éthique du groupe dans son activité et ses relations professionnelles».
L'entreprise ne se contente plus de ce type de charte. Elle n'hésite pas à afficher des interdictions pour le moins infantilisantes. Ainsi, peut-on lire sur une porte de salle antistress (souffrance au travail oblige) qu'il est défendu «de jo